Les technologies de l’information et de la communication ont transformé notre monde. Les transformations sont telles que la révolution de l’information a impacté tous les secteurs d’activités. Ce qui a poussé les entreprises à revoir leurs modèles de plan d’affaires aussi bien que les gouvernements à repenser la création et la délivrance des services publics. À la suite de cette évolution, les opportunités que peuvent offrir les technologies de l’information et de la communication sont limitées par l’imagination et l’application des efforts.
Le potentiel des TIC,
particulièrement Internet, n'a cessé de séduire un nombre d’individus à travers
le monde. En effet, le nombre d’internautes n’a cessé de progresser durant les
dernières années. Passant de 16 millions en 1995 à 361 millions en 2000, et d’1
966 milliards en Juin 2010 à 5 473 milliards en 2022[1].
Au-delà de l’adoption individuelle
des TIC, le développement des réseaux de communication dès le départ a retenu
l’intérêt des différentes organisations gouvernementales, inter-gouvernementales et non
gouvernementales, des institutions académiques et de la société civile.
Depuis la création de l’Internet,
les différents acteurs s’opposent sur la nécessité d’une intervention des Etats
dans le cyberespace. Les discussions opposent d’un côté les indépendantistes et
d’un autre les souverainistes. Les premiers refusent toute intervention des
Etats alors que les derniers affirment que l’intervention étatique est
nécessaire et inévitable.
La célèbre “Déclaration
d’indépendance du cyberespace” rédigée le 8 février 1996 à Davos en Suisse par
John Perry Barlow reflète le mieux les craintes des acteurs d’une intervention
de l’Etat[2].
Depuis, les initiatives autour de la
gouvernance du cyberespace se multiplient. Du Sommet mondial sur la société de
l’information (SMSI) au Forum annuel sur la Gouvernance de l’Internet organisé
sous le patronage du Secrétariat général des Nations unies, les débats
s’intensifient pour déterminer des règles communes et des modèles de
gouvernance du cyberespace.
Les discussions ont évolué à
l’obtention d’un large consensus sur l’obligation de l’intervention des Etats.
Toutefois, les acteurs sont toujours divisés
sur ses domaines d’intervention, les modalités de cette intervention et
l'équilibre entre ses pouvoirs régaliens et le respect des droits fondamentaux
dans la cybersociété.
L'omniprésence actuelle des réseaux
de communication dans le monde a particulièrement attiré l’attention des grandes
puissances et les coalitions politiques. Des événements récents, tels que les
révélations d’Edward Snowden sur la cybersurveillance des Etats-Unis d’Amérique
à travers le projet « PRISM »[3],
l’accusation contre la Russie pour avoir tenté d’influencer les élections
américaines en 2016[4],
et le scandale du logiciel espion “Pegasus”, témoignent des divers intérêts que
portent les entités étatiques pour les technologies de l’information et des
communications[5].
La multiplication des actions des
Etats dans le cyberespace a été suivi de deux mouvements : premièrement, le
développement d’un ensemble d’initiatives pour déterminer les normes
réglementant le comportement des Etats dans le cyberespace et enfin la
nomination de cyber ambassadeurs par certains Etats.
Le 15 septembre dernier, le Sénat
États-Unien a validé la nomination de Nataniel Fick comme premier ambassadeur
du cyberespace (Ambassador-at-large for
cyberspace en anglais) du pays[6].
Selon l’un des experts du Cyberspace
Solarium Commission, en nommant Monsieur Fick les Etats-unis sera mieux
placée pour répondre aux menaces croissantes, éclairer l'élaboration de règles
d'engagement mondiales et créer des règles de conduite internationales
désespérément nécessaires pour le cyberespace[7].
Cette nouvelle nomination a été
suivie du lancement d’un programme de recrutement de Leaders émergents à
travers le monde, et la création d'un bureau dédié au département d'État
américain[8].
En parallèle, La Russie se positionne comme un leader dans l’élaboration d’une
Convention internationale sur l’utilisation des TIC à des fins criminelles[9].
D’autre part, nous assistons à une guerre d'accusations entre des
superpuissances d’utiliser les nouvelles technologies à des fins malveillantes.
Par exemple, le chef des services d’intelligence britannique, Jeremy Fleming a
accusé la Chine d’utiliser les technologies pour contrôler ses citoyens et
dominer ses ennemis à l’étranger[10].
Des accusations démenties par Pékin reprises par des médias prochinois[11].
Ces faits confirment, si besoin était,
l'intérêt des superpuissances d’avoir une position proéminente dans la
cybersociété mondiale.
Dans le même sens, des discussions
sont en cours au niveau onusien pour élaborer des normes de conduite
responsable des États dans le cyberespace pour la sauvegarde de la sécurité
internationale. À cet effet, les recommandations du groupe d'experts
intergouvernemental de 2015 et subséquentes sont promues par l'ONU à être
appliquées par les États. Des mouvements similaires sont constatés au niveau
des coalitions politiques et militaires comme l'OTAN et l’Union européenne.
L'un des principes phares des
recommandations de l’ONU est le développement des capacités des pays en
développement. Puisque selon les experts, la vulnérabilité de ces derniers
représente un danger pour la sécurité internationale. Car les criminels et les terroristes
peuvent profiter des vulnérabilités et des différences entre les États pour
miner la sécurité et porter atteinte aux infrastructures essentielles au niveau
international.
En dépit de ces initiatives et des
enjeux, force est de constater que les
pays en développement peinent à mettre en place les structures
institutionnelles et juridiques pour
profiter des retombées du numérique et assurer la sécurité des systèmes
d’information.
Cette mouvance internationale
représente une opportunité pour l'émergence
effective de la communauté francophone en tant qu'acteur prépondérant dans la
gouvernance de la cybersociété internationale et une occasion d’appuyer le renforcement des capacités des pays en voie de
développement à mieux s’approprier des avantages du numérique.
Il apparaît de ce qui précède la
nécessité pour la Francophonie d'accroître ses actions dans le domaine du
numérique, notamment la cybersécurité.
De telles actions peuvent renforcer la promotion de la paix, de la
démocratie et des droits de l’Homme dans le monde.
Fort de cette préoccupation, nous
nous étalons de présenter la Francophonie et la Gouvernance globale de la
cybersécurité, en dressant l'état de lieu des initiatives au niveau
international et en interrogeant ses actions actuelles (1). De ce fait, il
paraît indispensable d'identifier les besoins des pays en développement dans le
domaine du numérique, notamment dans le domaine de la cybersécurité en prenant
pour exemple le cas d’Haïti (2).
La Francophonie et la Gouvernance globale du
cyberespace
Les initiatives sur la gouvernance
globale du cyberespace, particulièrement la cybersécurité internationale,
s’orientent dans deux directions principales. Premièrement, le développement de
cyber normes applicable aux activités des Etats dans le cyberespace (A).
Deuxièmement, le renforcement des capacités des Etats à lutter contre
l’utilisation illicite et illégitime des TIC autant par des acteurs étatiques
que des acteurs non-étatiques (B). Ces descriptions seront l’occasion de
questionner les actions de la Francophonie dans le domaine du numérique.
- Le développement de cyber normes
Les discussions sur les normes de
gouvernance du cyberespace font l’objet de l’agenda des Nations Unies depuis
1998. Depuis 2004, six groupes d’experts gouvernementaux se sont succédé dans
l'étude des menaces des TIC dans le contexte de la sécurité internationale. Le
rapport 2015 par le groupe d’experts
gouvernementaux a été adopté à travers la résolution 70/237. Cette résolution
contient 11 normes d’application volontaire, dont huit
(8) posent des obligations positives aux Etats et trois (3) des
obligations négatives.
En 2018, à travers la résolution
73/27 l'Assemblée générale a établi un groupe d’experts à composition illimitée
dont le rapport a été endossé par la résolution 75/564. Un autre groupe
d’experts a été établie pour une période de cinq ans jusqu’en 2025[12].
Au niveau de l’OTAN, le
développement des cyber normes et des capacités est géré par le Centre
d’excellence de coopération en cyberdéfense (NATO Cooperative Cyber Defence Centre of Excellence -NATO CCD COE en
anglais ). Outre les initiatives de formation et développement des
capacités des Etats membres, le manuel de Talinn commandé par l’organisation
est une référence mondiale sur l’application du droit international au
cyberespace.
Au niveau européen, les questions
liées à la cyber sécurité, la gouvernance et la régulation du cyberespace est
au cœur des activités des différentes agences de l’Union européenne. Du point
de vue juridique, l’Europe est considéré comme un leader dans la réglementation
des activités dans le cyberespace au niveau mondial. Les règles de droit sur
les sujets liés au cyberespace, notamment le Règlement général sur la
protection des données personnelles (RGPD) , le Digital markets Act (DMA) et le Digital Services Act, servent d’inspiration aux nations
du monde entier. La Convention sur la cybercriminalité du 23 novembre 2001 de l’Europe représente à
ce jour la seule convention internationale sur la cybercriminalité[13].
D’autres coalitions multilatérales,
des institutions académiques et entreprises privées ont également adopté des
normes sur le comportement responsable des États dans le cyberespace. Nous
pouvons citer brièvement : le Code de conduite international pour la sécurité[14], Paris Call for Trust and Security in
Cyberspace[15],
Microsoft’s international cybersecurity norms, the Hague Program for Cyber
Norms.
Ces normes ajoutées aux standards
techniques qui gouvernent le cyberespace représentent une pléthore de règles réglementant le comportement des Etats
et les autres acteurs dans le cyberespace[16]. Malgré l’accroissement des normes, elles
restent méconnues des spécialistes en politiques publiques (policymakers en anglais), des
décideurs, des entreprises et de la
société civile, particulièrement dans les pays en développement.
En dépit des nombreux progrès de la
Francophonie dans le domaine du numérique, dont la Stratégie numérique de la
Francophonie représente la preuve tangible, beaucoup d’actions doivent être
prises pour renforcer la position de la
communauté francophone dans l'arène international.
L’un des premiers constats que l’on
peut établir est l’absence de nombreux membres et de l’organisation
internationale de la Francophonie dans les débats autour des cyber normes[17]. S’il est vrai que plusieurs ateliers ont été organisés
sous l’égide de la Francophonie sur la cybercriminalité, la gouvernance de
l’internet[18], il
n’en reste que les actions doivent s’intensifier afin de réaliser la transformation
numérique dans la communauté francophone.
Les actions de la Francophonie
devront appuyer non seulement le renforcement des capacités mais aussi
favoriser l'émergence de l’organisation
en tant qu’acteur et non un simple
participant dans la gouvernance globale du cyberespace. L’organisation doit
également soutenir le leadership francophone dans l'arène de la cyber
diplomatie.
Ces actions peuvent se concrétiser
en harmonie avec la Stratégie numérique de la Francophonie (2022-2026) par la
soumission de commentaires sur les travaux des groupes d’experts de l’ONU. La
création d’un cours à distance sur les cyber normes internationales, l’adoption
d’une stratégie de la cybersécurité de la Francophonie et l'établissement d’une
commission/groupe ouvert à tous les membres ayant pour mission d’identifier les
besoins et proposer des solutions dans le domaine du numérique, notamment la
cybersécurité.
B.
Le renforcement des capacités des
Etats
Le développement des capacités est
au cœur des activités de l’ONU, de l’Union européenne et de l’OTAN. Les
interventions des organisations inter gouvernementales ne se limitent pas à des
actions de sensibilisation des membres et le partage des meilleures pratiques
internationales. Leurs actions se matérialisent également à travers la défense
et la promotion des valeurs communes à leurs communautés.
Du côté des Nations Unies, plusieurs
initiatives de formation permanentes sont établies notamment à travers
l'académie des différentes agences de l’Organisation. L’Institut des Nations
unies pour la recherche sur le désarmement, l’Union internationale des
télécommunications et l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI)
contribuent chacun dans leur spécialité respective à la promotion des normes et
le développement des capacités dans le domaine du numérique.
L’OTAN et l'UE disposent de
nombreuses initiatives de renforcement des capacités. L'Agence européenne pour
la cybersécurité et NATO Communications
and Information Academy sont des centres permanents d’excellence qui
forment les individus à mieux saisir les enjeux de la cybersécurité.
Des initiatives similaires pourront
voir le jour au niveau de la Francophonie en application de l’Objectif 4 de la
Stratégie numérique 2022-2026, qui se lit ainsi : [ La présente Stratégie a
pour objectif…] la création d’une sphère d’influence pour la langue française et pour
l’expertise francophone sur la scène multilatérale, notamment au sein des
enceintes de négociation et de décision sur les politiques numériques, ainsi
que sur les marchés internationaux et dans le développement de normes
internationales liées au numérique.
La mise en œuvre de cet objectif de
création d’une expertise francophone ne pourra se réaliser sans préalablement
développer cette expertise. Dans la communauté anglophone, il existe une
panoplie d’outils, de programmes et de formations disponibles en ligne, en
contraste avec la communauté francophone. N’importe qui désireux d'acquérir des
compétences en cybersécurité, sur les incidences des TIC sur les droits
fondamentaux, la cyber diplomatie, la gouvernance de l’internet et le droit du
numérique peut les trouver à profusion en anglais. De telles ressources sont
rares en français, tout du moins, elles n’existent que sur des plateformes
payantes et savantes qui la plupart du temps ne sont pas accessibles aux
personnes à faible ressource qui souhaitent se former, notamment dans les pays
en développement.
Pour ces raisons, la communauté
francophone doit prêter une attention soutenue au développement inclusif de l’expertise
francophone. En veillant à ne pas traiter les États en voie de développement
comme des problèmes à gérer dans l’agenda de l’Organisation mais en renforçant
leurs capacités à devenir des acteurs de cette transformation.
Renforcement
des capacités des pays en développement : Le cas d'Haïti
La cybersécurité est une question cruciale pour les Etats
sans considération de leur niveau de développement. En Haïti, la question n’a pas toujours laissé
indifférent les responsables politiques.
On a constaté durant les dernières années, une volonté embryonnaire d’adopter
un cadre juridique et institutionnel (A) visant à réglementer cette dernière.
Toutefois, ces initiatives souffrent de pérennité et d’une mise en application
(B).
- Cadre juridique et institutionnel de la cybersécurité
en Haïti
Le cadre juridique et institutionnel
sur la cybersécurité en Haïti est à parfaire. En effet, les lois abordant la
question sont rares, de même que les structures institutionnelles
permanentes. Cependant, on a constaté un
début de volonté de réguler la cybersécurité et de jeter les bases
institutionnelles de sa gouvernance.
Les textes juridiques suivants sont
applicables dans le domaine de la cybersécurité en Haïti :
Dans le secteur bancaire et
financier, la loi du 14 mai 2012 sur les banques commerciales et les
institutions financières[19]
en ses articles 75 fait obligation aux banques de sécuriser leurs
plateformes électroniques. En vertu des prérogatives des articles 83 al. 10 et
161, la Banque de la République d’Haïti (la Banque centrale) a fixé (dans la circulaire no 126) les règles
minimales de sécurité des systèmes informatiques des institutions financières[20].
Au niveau de l’administration
publique, selon les dispositions du
décret de 2020 modifiant le statut de l’Institut haïtien des statistiques
et de l’informatique (IHSI), la sécurité informatique de l’Etat incombe à cette
dernière[21].
Faut-il également mentionné que, le
décret du 29 Janvier 2016 communément appelé « le décret sur la gouvernance
électronique » fait injonction à l’administration publique, aux collectivités
territoriales et organismes autonomes de s’assurer de la disponibilité, de l’accès, de l’intégrité,
de l’authenticité, de la confidentialité et de la conservation des données, informations
et services traités[22].
Ce décret pose aussi le principe de la protection des données personnelles dans
le secteur public. L’Arrêté datant du 16 Juillet 2014 sur le Comité
interministériel sur les technologies de l’information et de la communication
avait confié à cette structure la responsabilité de définir une stratégie
nationale de la cyber sécurité.
Il faut également signaler l’avant-projet de loi adopté en Conseil des
Ministres le 28 février 2018 sur une institution centrale chargée de gérer
les nouvelles technologies dans le secteur public, notamment les questions
liées à la cyber sécurité. Cet organe
dénommé « Direction générale des
nouvelles technologies (DGNT) » sera chargé de développer et sécuriser les
infrastructures technologiques de l’Etat.
Récapitulatif de la législation sur la cybersécurité |
||
Type de règles |
Statut |
Exemples |
Loi exigeant la cyber sécurité |
Oui |
Décret sur les banques et
institutions financières, Décret sur la gouvernance électronique Décret modifiant le statut de l’IHSI
|
Loi protégeant les intérêts
nationaux |
Non |
Aucun
|
Loi sur la cybercriminalité |
Non |
Aucun Commentaire : Le nouveau code pénal publié initialement le
24 juin 2020 dans Le Moniteur.dont
l’entrée en vigueur du code, fixée initialement au Juin 2022, a été reportée
au juin 2024. |
Loi de contrôle de
l’investissement étranger |
Non |
Aucun |
Les “progrès” institutionnels dans
le domaine du numérique en Haïti dépendent fortement de la priorité du
gouvernement en place.
Quoiqu’il est difficile de se faire
une idée précise de la manière dont la cyber sécurité est gérée en Haïti. Selon
les informations disponibles, les institutions suivantes sont impliquées dans
la cyber sécurité nationale.
Le Conseil national des télécommunications (CONATEL) créé par un décret datant du 30
Octobre 1969, révisé par le décret sur
20 Août 1987 redéfinissant la mission du Conseil National des
Télécommunications et fixant ses attributions en ce qui attrait à la
planification, la réglementation et le contrôle des services de
télécommunication, est l’organe principalement des télécommunications en Haïti.
Il concourt à la gestion de la cybersécurité dans le pays à travers son service
Cyber Sécurité et de Contrôle de Qualité à la Direction des Réseaux et
Services.
L’Office de Management des Ressources humaines (OMRH) fut responsable de la
gouvernance électronique de l’administration publique. Cependant, les
prérogatives de l’Office ont été transférées au secrétariat technique du Comité interministériel des technologies de
l’information (CITI) susmentionné.
Dans la pratique, les entités de
l’administration centrale, des organismes autonomes et des collectivités territoriales
disposent d’une unité/direction qui s’occupe de leur cybersécurité. Il n’existe
pas de stratégie nationale de la cybersécurité, non plus une gestion nationale
coordonnée de celle-ci.
B.
Absence de pérennisation et de mise en application des projets de cyber
sécurité
La nécessité de doter le pays d’un plan national de cyber
sécurité n’a pas toujours été absent au niveau de l’administration publique. Déjà
en 2012, le gouvernement organisait des ateliers sur la cyber sécurité
nationale[23]
et un projet de loi sur le cyber crime et la cyber sécurité a été présenté au public, en date du 5 mai
2015, par le Conseil National des Télécommunications (CONATEL)[24].
De plus, comme nous l’avons fait remarquer plus haut, en 2014 un arrêté du
premier ministre d’alors avait créé le Comité interministériel sur les
technologies de l’information (CITI).
Selon le media haïtien « Ayibopost », le projet de
gouvernance électronique qui a reçu plus de trois (3) million cinq cent milles
(500 000) de dollars américain d’appui de la Banque interaméricaine de développement,
n’a pas fait long feu à cause notamment de la réticence des hauts responsables,
de la mauvaise gestion des fonds et d’un manque d’intérêt de l’Administration[25].
Les obstacles au développement du numérique
en Haïti ont des racines profondes. Le pays fait face à plusieurs problèmes
institutionnels et financiers ajoutés à l’absence de volonté des décideurs de
créer des conditions favorables au secteur.
L’accès à l’électricité indispensable
au développement du numérique, (puisque les gens ne pourront utiliser les
outils électroniques et tirer profit du numérique avec leurs appareils déchargés),
reste un défi. La couverture en électricité dans le
pays est d'environ 45,4% (80% dans les zones urbaines et 1% dans les zones rurales
(Banque mondiale 2019).
En outre, l’élaboration de
politiques publiques sur le numérique tout autant la gestion des programmes de
développement des capacités requiert des compétences humaines et des ressources
financières. Ce problème risque de perdurer à cause de l’absence des
compétences (juridiques, informatiques, mécaniques et législatives) liés au
numérique dans les programmes de formation depuis l’école primaire jusqu’à
l’enseignement supérieur.
Afin de résoudre ces problèmes, il
est important qu’avec l’appui de la Francophonie et des autres parties de la communauté
internationale qu’un audit des besoins en matière de développement cybernétique
soit mené en Haïti. A la suite de cet audit, une cyber stratégie de
développement des capacités doit être élaboré, puis exécuté. L’audit est
indispensable afin d’éviter la duplication de projets inappropriés au contexte
haïtien. Et il permettra aux acteurs de disposer de faits et non pas seulement
de bonnes volontés pour agir dans le développement des capacités dans le pays.
Le cyberespace nous a offert autant
de défis que de promesses. Les données numériques sont devenues de véritables
enjeux entre les Etats. Vu la place et le potentiel du numérique, les Etats et
les coalitions politiques veulent tous avoir une position prépondérante dans la
cyber société mondiale.
On a également remarqué une
démultiplication de la coopération internationale. Cette mouvance
internationale a atteint un point tournant avec l’adoption du Programme d’action[26] pour l’avancement des comportements
responsables des Etats dans le cyberespace en date du 2 novembre 2022.
Cet intérêt international pour le
cyberespace représente une occasion pour la Francophonie d’émerger comme un
acteur prépondérant dans les discussions et la gouvernance de la cyber société
mondiale.
A l’instar des autres coalitions
internationales comme l’OTAN, l’ONU et l’Union européenne, la Francophonie à
travers la mise en œuvre de sa Stratégie numérique de la Francophonie
(2022-2026) doit appuyer le renforcement des capacités des Etats en voie de
développement. Elle peut se concrétiser par la création d’un comité ouvert à
tous les membres qui évaluent les besoins et proposent des solutions dans le
domaine du numérique. Afin de rattraper les retards de la communauté
francophone par rapport à la communauté anglophone, un centre d’excellence
permanent pourrait être créé afin de former l’expertise francophone.
Toutefois, les efforts de la
Francophonie doivent être déployés à travers la coopération avec l’ONU et les
autres organisations internationales et régionales. Cela évitera la duplication
des initiatives et une rationalisation des dépenses. Conséquemment, plus de
ressources seront susceptibles d’être mobilisés au profit des pays en
développement.
Les technologies de l’information et
des communications sont des vecteurs pouvant accélérer et accroitre les actions
de la Francophonie, tant dans la promotion de la langue française et des
valeurs démocratiques, que la coopération politique et économique entre les
Etats-membres. Elles représentent une opportunité unique de mettre en valeur
l’expertise francophone dans l’arène internationale et de redéfinir le rôle et
la place de la communauté francophone dans la gouvernance internationale,
notamment la cyber société mondiale.
[1] Statistiques de la progression d’Internet, à l’adresse : https://www.internetworldstats.com/emarketing.htm,
consulté le 04 Novembre 2022
[2] Barlow, J. (2000). Déclaration d'indépendance du cyberespace. Dans :
Olivier Blondeau éd., Libres enfants du savoir numérique: Une anthologie du
“Libre” (pp. 47-54). Paris: Éditions de l'Éclat.
https://doi.org/10.3917/ecla.blond.2000.01.0047
[3] Glenn Greenwald et Ewen MacAskill ( 7 Juin 2013) NSA Prism
program taps in to user data of Apple, Google and others, à l’adresse : https://www.theguardian.com/world/2013/jun/06/us-tech-giants-nsa-data
[4] Jo Adetunji ( 7 Septembre 2020), Fact check US : Quel est le poids de
l’ingérence russe dans l’élection présidentielle américaine ? à l’adresse https://theconversation.com/fact-check-us-quel-est-le-poids-de-lingerence-russe-dans-lelection-presidentielle-americaine-146252
, consulté le 04 novembre 2022.
[5] David Balaban (31 Juillet 2021), Comment vérifier si votre smartphone
est surveillé par le logiciel espion Pegasus ?, à l’adresse : https://www.forbes.fr/technologie/comment-verifier-si-votre-smartphone-est-surveille-par-le-logiciel-espion-pegasus/
, consulté le 30 Octobre 2022
[6] James Reddick ( 15 Septembre 2022), Senate confirms Fick as first U.S.
cyber ambassador, à l’adresse : https://therecord.media/senate-confirms-fick-as-first-u-s-cyber-ambassador/,
consultee le 16 Septembre 2022
[7] Idem
[8] L’annonce du programme a été faite sur le site du département d’Etat
des Etats-Unis d’Amérique, consultable à l’adresse : https://www.state.gov/global-emerging-leaders-in-international-cyberspace-security-gel-ics-fellowship/
[9] Russia initiates its draft of int’l convention on countering
cybercrime, disponibel a l’adresse : https://tass.com/politics/1318319,
consulté le 20 Octobre 2022
[10] La déclaration de l’agent Jeremy Felming a été reporté par Reuters,
consultable à l’adresse : https://www.reuters.com/world/china/fear-driving-chinas-tech-manipulation-poses-threat-all-uk-spy-chief-2022-10-10/
[11] Le journal Global Times Chinois a publié plusieurs articles en date du
12 octobre 2022 pour démentir les accusations du Royaume Uni, les traitant de
propos insensés. Un des articles est consultable à l’adresse suivante : https://www.globaltimes.cn/page/202210/1276954.shtml
[12] Fiche descriptive « Developments in the field of information and
telecommunications in the Context of international security », disponible à l’adresse : https://front.un-arm.org/wp-content/uploads/2021/07/ICT-Security-Fact-Sheet-July2021.pdf
[13] La page du Conseil de l’Europe sur la Convention est consultable à
l’adresse : https://www.coe.int/fr/web/cybercrime/the-budapest-convention
[14] La Lettre datée du 9 janvier 2015, adressée
au Secrétaire général par les Représentants permanents de la Chine,
de la
Fédération de Russie, du Kazakhstan, du Kirghizistan, de l’Ouzbékistan et du
Tadjikistan auprès de l’Organisation des Nations Unies (A/69/723)
[15] Les principes de l’Appel de Paris sont
accessibles sur le site de l’initiative : https://pariscall.international/en/principles
[16] L’index des cyber normes accessible à
l’adresse https://carnegieendowment.org/publications/interactive/cybernorms du centre Carnegie Endowment recense plus 150
accords, déclarations, etc.
[17] La Francophonie n’a pas émis de commentaires
sur les normes et principes visant à réguler le comportement des Etats dans le
cyberespace, voir le site du groupe d’expert de l’ONU pour la liste des Etats
et organisations qui ont soumis leurs positions, à l’adresse : https://www.un.org/disarmament/open-ended-working-group/
[18] L’OIF organise annuellement un cours sur la
gouvernance de l’Internet en partenariat avec DiploFoundation ( Le cours est
accessible ici : https://www.diplomacy.edu/courses/gi-oif/ ) dans le cadre du projet D-CLIC.
[19] Publié dans Le Moniteur no 4 du 20 Juillet 2012
[20] La circulaire est l’un des rares outils d’une institution haïtienne
fixant des standards de sécurité des systèmes de l’information. Elle est
accessible sur le site de la Banque centrale (Haïti) : https://www.brh.ht/wp-content/uploads/Circulaire-126-pdf.pdf
[21] Selon les informations disponibles sur le site de l’IHSI à
l’adresse : https://ihsi.ayiti.digital/mission#
[22] Telle que prescrit par l’article premier alinéa 2 du décret publié
dans Le Moniteur no 20 du 29 Janvier 2016.
[23] Haïti Libre ( 31 Octobre 2022) , Haïti - Sécurité : Protection du
Cyberespace haïtienhttps://www.haitilibre.com/article-7044-haiti-securite-protection-du-cyberespace-haitien.html,
consulté le 25 Octobre 2022.
[24] Wislène Samaïr POPO (3 Fevrier 2022) Univers numérique et encadrement
juridique. Où en est Haïti ?. LeNouvelliste, a l’adresse :
https://lenouvelliste.com/article/233998/univers-numerique-et-encadrement-juridique-ou-en-est-haiti
, consulte le 02 Novembre 2022.
[25] Hadson Archange Albert (19 Septembre 2019) Où est passé le projet
e-gouvernance ?. AyiboPost, à
l’adresse : https://ayibopost.com/ou-est-passe-le-projet-e-gouvernance/, consulté le 5 Novembre 2022
[26] Le Programme d’Action vise à remplacer les deux groupes d’experts au
niveau de l’ONU, en établissant un forum permanent au niveau des Nations Unis
sur la cyber sécurité internationale, une copie de ce programme est accessible
à l’adresse suivante : https://front.un-arm.org/wp-content/uploads/2020/10/joint-contribution-poa-future-of-cyber-discussions-at-un-10-08-2020.pdf