La multiplication des réseaux de communication que
ce soit les réseaux sociaux et/ou la téléphonie, et leur large adoption dans le
monde ont bouleversé, pour ainsi dire,
tous les secteurs d’activités humaines.
D’après le dernier rapport 2020 de
We Are Social et Hootsuite 4,54
milliards de personnes sont maintenant en ligne, soit une augmentation par
rapport à l’année précédente de 298 millions de personnes (ou 7%). L’internaute
moyen passera tous les jours 6 heures et 43 minutes en ligne en 2020, soit plus
de 100 jours en ligne au total. Mis bout à bout , cela signifie que nous passerons 1,25 milliard d’année en ligne
cette année dont l’équivalent de 500 millions sur les medias sociaux. Plus de 3
milliards de dollars ont été dépensés en 2019 sur des sites e-commerce pour des
achats B2C. Le consommateur moyen dépensant près de 500 dollars uniquement pour
les biens de consommation, soit une augmentation de 9 %.[1]
Sans oublier que nous produisons plus de 2 quintillions bytes de données tous
les jours.
Durant le quinquennat passé , cette
prolifération des nouvelles technologies a eu beaucoup d’impacts sur la vie
sociale, politique et économique en Haïti, des affaires célèbres comme : le
début du mouvement PetroCaribe Challenge sur les réseaux sociaux avec un tweet
de l’acteur Gilbert Mirambeau en date du 14 aout 2018, un mouvement qui a
occasionné un vague de protestations sporadiques ,et causé un déferlement
historique des jeunes dans les rues afin de demander la reddition des comptes
et plus de transparence dans la gestion de la chose publique , cela a donné lieu également à des crises aigues
dans le pays ,comme la fameuse période « peyi lòk » ; Il est
devenu la mode pour les responsables publiques d’annoncer leurs décisions sur
les medias sociaux bien avant leur publication dans le journal officiel , nous
pouvons citer en exemple , le constat de caducité des deux tiers du Sénat par
le président de la République sur Twitter le lundi 13 janvier 2020.
La problématique de la cybercriminalité en Haïti
À côté de ces bienfaits, les nouvelles technologies
numériques ont suscité beaucoup de nouveaux défis d’ordre juridique, dû au
développement fulgurant des FinTech
, de la télémédecine , et particulièrement la cybercriminalité.
Cette nouvelle forme de criminalité, en conséquence aux particularités des
outils électroniques a donné naissance à
de nouvelles infractions. D’après le dernier rapport de l’Agence
d’implémentation de la sécurité et de la lutte contre la criminalité
(IMPACS ), les pays de la Caraïbe sont très vulnérable à cette dernière , en effet , en 2014 les fraudes électroniques
ont coûtées plus de cent cinquante millions de dollars à la Scotiabank
Jamaica ; en 2015 un groupe d’activiste islamiste tunisien ont piraté les
deux sites web du ministère du tourisme des Bahamas ,dans la même année le site
du gouvernement de St Vincent and des Grenadines a été attaqué par un groupe de
pirate réclamant leur allégeance à
l’Etat Islamique.
En l’absence
de rapport officiel sur le problème de la cybercriminalité, il serait tentant
de croire qu’Haïti est épargné par cette situation. Mais loin s’en faut, d’après le nouvelliste
du 20 janvier 2016, « le nombre de victimes d’attaques cybernétiques
augmente considérablement » en Haïti.
L’absence de loi cadre connu sur la cybercriminalité
et la structure « archaïque » du système judiciaire refreinent les citoyens à porter plainte lorsqu’ils sont
victimes de cybercrime. Face à cette situation , il est légitime de se
questionner sur l’existence de règlements sur la question : Est-ce qu’il
existe des règles applicables aux cyber crimes inconnues du grand public ?
Qui est responsable des enquêtes liées à la cybercriminalité ?
Ces questions revêtent une importance capitale pour le rétablissement de la confiance de la population dans le système judiciaire.
Définition de la cybercriminalité
Bien avant d’y répondre ,
nous voulons offrir une définition de la cybercriminalité :
Elle
couvre : « tout comportement illégal faisant
intervenir des opérations électroniques qui
visent la sécurité des systèmes informatiques et des
données qu'ils traitent »[2]. Elle peut être commis à l’encontre ou par le
moyen des réseaux de télécommunications.
A travers cette définition, il ressort pour qualifier un acte de cybercrime
qu’il faut trois éléments :
1)
Un comportement illégal.
2)
L’utilisation des réseaux numériques (informatiques,
télécommunications, etc.)
3)
Atteintes aux systèmes d’information (Réseaux)
et/ou aux données (Contenus) qui circulent dans le cyberespace.
Les cybercrimes sont classé en trois
catégories :
1)
Les infractions
perpétrées à l’encontre des systèmes
d’informations et systèmes d’automatisation
2)
Les infractions dites
de contenu
3)
Et les infractions
traditionnelles commises par le biais des technologies numériques
Sans être exhaustif, nous voulons donner quelques exemples des
différentes types d’infractions :
1)
Les infractions perpétrées à l’encontre des systèmes d’informations et
systèmes d’automatisation :
- Intrusion
ou accès frauduleuse à un système de
traitement informatisé
- Piratage
- Interception
des communications
- Vol
ou destruction des données
- Modifications
ou détournements des données
2)
Les infractions dites
de contenu
- L’escroquerie
- La
fraude en ligne
- Contrefaçon
- Divulgation
des informations confidentielles
3)
Atteintes aux systèmes
d’information (Réseaux) et/ou aux données (Contenus) qui circulent dans le
cyberespace.
- La
diffamation
- La
pédophilie
- La
pédopornographie
- Atteintes
à la vie privée
- Incitation
à la violence
- Publication
des contenus illicites
La cybercriminalité au regard de la loi haïtienne
Les règles applicables en Haïti sur la cybercriminalité
se retrouvent dans : les articles 7 et 143-145 du Décret accordant à l’État le monopole
des services de télécommunications. Les
articles 2-c et 3, du Protocole
facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente
d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des
enfants, Ratifié par Haïti le 15 aout 2002 et publié dans le moniteur No 51 du
11 juillet 2005. L’Article 21 de la Loi du 30 avril 2014 contre la traite des
personnes ; L’Art. 347 du Code Pénal ; L’article 1 de la Loi sur la
signature électronique 14 juillet 2017 ; et les articles 1 ,3 ,52 et 54 du Décret du 12
octobre 2005 sur les droits d’auteur.
En ce qui a trait aux techniques d’investigation ,
la loi sur le blanchiment d’avoirs prescrit en son article 3.3.1 :
Afin
d’obtenir la preuve de l’infraction d’origine et la preuve des infractions prévues
à
La présente
loi, le Doyen du Tribunal de Première Instance territorialement compétent
Ou le
juge d’instruction saisi de l’affaire peuvent ordonner, pour une durée maximale
de trois (3) mois, renouvelable une fois seulement :
a-
le placement sous surveillance des
comptes bancaires et des comptes assimiles aux comptes bancaires;
b- l’accès à des systèmes, réseaux et serveurs
informatiques;
c- le placement sous surveillance ou sur écoute
de lignes téléphoniques, de télécopieurs ou de moyens électroniques de
transmission ou de communication;
d- l’enregistrement audio et vidéo des faits et
gestes et des conversations
Bien que le pays n’est pas doté d’une loi spéciale
qui fait l’impasse sur les infractions liées au cyberespace , néanmoins
certaines règles existantes peuvent s’appliquer
dans beaucoup de situations. Il est plus que nécessaire que l’on reforme
notre droit afin qu’il soit à la hauteur des défis du numérique. C’est ce que
prévoit le projet du code pénal à
travers des dispositions relatives à la
cybercriminalité , qui se retrouvent en ses articles 587 à 596 (Des atteintes aux systèmes de traitement automatisé de
données ) , 437 à 443 (De l’atteinte aux droits de la personne résultant
des fichiers ou des traitements informatiques) et les articles suivants :
Du sabotage
Article
617.- Le fait de détruire, détériorer ou détourner tout document, matériel,
construction, équipement, installation, appareil, dispositif technique ou
système de traitement automatisé d’informations ou d’y apporter des malfaçons,
lorsque ce fait est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la
nation, est passible de dix (10) ans à quinze (15) ans de détention criminelle.
De l’atteinte au secret de la
correspondance
Article
436.- Le fait, par mauvaise foi, d’ouvrir, de supprimer, de retarder ou de
détourner des correspondances arrivées ou non à destination et adressées à des
tiers, ou d’en prendre frauduleusement connaissance, est passible d’un
emprisonnement de six (6) mois à un (1) an et d’une amende de 25 000 gourdes à
50 000 gourdes.
Est
passible des mêmes peines le fait, par mauvaise foi, d’intercepter, de
détourner, d’utiliser ou de divulguer des correspondances émises, transmises ou
reçues par la voie des télécommunications ou de procéder à l’installation d’appareils
conçus pour réaliser de telles interceptions
De l’escroquerie
Article 528.-
L’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom
ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par
l’emploi de manœuvres frauduleuses, soit
par l’utilisation des moyens électroniques
de tromper une personne physique
ou morale et de
la déterminer ainsi, à son préjudice ou au
préjudice d’un tiers, à
remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque,
à fournir un
service ou à consentir un acte opérant
obligeant ou décharge.
En conclusion, après la revue de la législation
haïtienne sur les crimes liés au numérique, pour pouvoir traiter les
éventuelles plaintes contre la cybercriminalité, il faut qu’en plus des règles
juridiques, notre système judiciaire se restructure. Des unités spécialisées en
la matière composés d’experts du
numérique (des professionnels de la cyber sécurité, des analystes de données,
des criminalistes numériques, etc.)
doivent être intégrer dans les procédures d’enquête et au regard du
caractère transnationale du cyber espace , des partenariats entre les pays sont
indispensables pour donner une réponse conjointe aux cybercrimes .
Ces réformes structurelles sont une urgence, puisque la cybercriminalité
est une réalité sociale et continuera à influencer la vie et à impacter les
droits des citoyens en l’absence de règles adéquates ou pas. La capacité
de l’appareil judiciaire à répondre aux exigences du cyberespace est un
enjeu de taille, car elle indique son habilité à garantir les droits et le
niveau de confiance que les citoyens peuvent y placer.
Ce qui peut avoir de grandes répercussions sur la démocratie et la
participation des citoyens dans la vie sociale.
[1] https://comarketing-news.fr/digital-report-2020-les-chiffres-du-digital-dans-le-monde/
, consulté le 5 mai 2020
[2] Xème Congrès des Nations Unies à Vienne, « La prévention du
crime et le traitement des délinquants », [2000