Le 13 mai 2020 le journal en Ligne Loop Haiti annonce que « Le gouvernement haïtien s’est associé au géant de la technologie, Facebook, pour une sensibilisation massive sur le coronavirus. Dans le cadre cette collaboration, plusieurs produits de la compagnie seront mis à la disposition des autorités. Ainsi, un centre d’information personnalisé a pu être mis en place sur la page d’accueil du réseau social, au bénéfice des utilisateurs de Facebook en Haïti. »[1]
Nous avons tous remarqué que dans le but de combattre les « infodémies » l’entreprise de Mark Zuckerberg a lancé le centre d’information du coronavirus, qui est passé en tant qu’onglet principal au 23 mai 2020, ou l’on nous notifie les nouvelles informations sur le coronavirus venant des organisations « officielles ». En plus de ce centre d’information, le gouvernement haïtien a jugé bon en dehors de tout cadre légal d’utiliser nos données de manière ciblée et non consentie. Bien qu’il n’existe pas encore de débat public sur les données numériques en Haïti, la plupart des haïtiens présents sur le web ont suivi le scandale autour des élections américaines et l’exploitation des données des citoyens américains par une entreprise tierce « Cambridge Analytica », ces expériences ont enseigné au monde que les données que nous publions sur les réseaux sociaux peuvent être utiliser à mauvais escient, et nous devons être extrêmement vigilants quant à leur utilisation.
La question des protections de données et la demande de lois qui régularisent les questions liées à l’internet et les phénomènes découlant de la création massive quotidienne de données par les utilisateurs, comme le Big data, l’analyse de données, le Blockchain et l’Internet of Things (IoT) occupent une place importante dans les discussions actuelles dans le monde. Le 30 mars 2019 ,le PDG de Facebook a lancé un appel ouvert aux gouvernements pour une régulation d’internet[2].
Haïti , une culture de résistance au numérique
Alors que les activités humaines dépendent de plus en plus du numérique, en Haïti, il n’existe quasiment pas de lois sur le digital.
Les quelques lois existantes et projets peinent à être mises en application, et ont été jeté à l’oubli. Le Conatel, qui va fêter ses 51 ans prochainement, est la seule structure qui gère la question des télécommunications n’a pas de légitimité légale pour traiter les défis du numérique.
Les lois actuelles sur le numérique ne sont jamais appliquées, dû à une résistance structurelle. Nous pouvons citer en exemple, la loi sur la gouvernance électronique, datant du 29 janvier 2016 accordant le droit à tout administré de s’adresser à l’Administration publique par des moyens électroniques et le décret sur la signature électronique reconnaissant l’admissibilité des écrits électroniques.
Pour rappel , le 8 novembre 2011, l’administration Martelly/Lamothe avait lancé à travers la Plateforme d’intégration gouvernementale d’Haïti (PGIH), l’unité e-gouvernance afin de moderniser le service public en Haïti.[3] Ce projet financé à hauteur de 3 500 000 dollars a été mis à l’arrêt à cause de la résistance dans l’administration publique : « Des ministres refusaient d’utiliser les emails administratifs sous prétexte qu’ils ne voulaient pas que leurs informations soient piratées par [l’entreprise américaine] Microsoft. Ils préféraient se promener avec les données de l’administration en poche dans une clé USB », a déclaré Max G Lyron au journal Ayibo Post[4].
Mauvaises utilisations potentielles des données du numérique
« Dans la nuit du jeudi au vendredi 7 juin 2013, le quotidien britannique The Guardian a révélé au monde le scandale, connu sur le nom d’Affaire Snowden. Une affaire de cyber surveillance massive développé par l’Agence américaine de la sécurité nationale (NSA)
« Le jeune américain a mis en garde le monde entier contre des programmes de surveillance en ligne comme PRISM ou XKeyscore, ce dernier est créé par la NSA elle-même. Ce programme est alors utilisé par les services de renseignement de plusieurs pays, surnommés les “Five Eyes”, les services britanniques, australiens, américains, canadiens et néo-zélandais.
Ses révélations ont également mis en lumière le programme GENIE, qui espionne les équipements informatiques à l’étranger mais aussi la surveillance de câbles sous-marins de télécommunications intercontinentales et d’institutions internationales comme le Conseil européen à Bruxelles ou le siège des Nations Unies. »[5]
Le scandale Facebook et Cambridge Analytica ont démontré que les données peuvent être des outils d’influence et d’orientation de l’opinion publique. Dans son rapport sur le developpement 2016 de la Banque , nous apprenons qu’il existe des outils capable de dresser un profil psychologique des individus à partir de leurs habitudes sur le web.[6]
Des avancées dans la gestion des données comme l’internet of things, « une infrastructure mondiale pour la société de l’information, qui permet de disposer de services évolués en interconnectant des objets (physique ou virtuels) grâce aux technologies de l’information et de la communication interopérables existantes ou en évolution ».
Une solution d’IoT s’articule autour de 5 composants essentiels que sont :
Les objets (capteurs),
Le réseau (connectivité),
Les données,
Les informations,
Les applications d’exploitation.[7]
En plus des problèmes de sécurité lié aux données personnelles de objets connectés, les données trop souvent précises sur les habitudes quotidiennes des usagers risquent de permettre une trop grande précision de prédiction des comportements et augmentent du même coup la capacité de les influencer.
Ayant identifié quelques dangers liés aux données personnelles, nous devrions nous inquiéter de savoir que « Avec ce service, “dès que le MSPP publie une information sur le coronavirus en Haïti, tout le monde sera touché par cette nouvelle”, nous a informé en interview, Stéphane Vincent, qui a joué le rôle d’intermédiaire entre les autorités locales et les responsables de Facebook sur ce projet. »[8]
Au tout début de l’identification des premiers cas d’infections au SARS-CoV-2 (Coronavirus) , le gouvernement a promis de gérer la pandémie de manière transparente , considérant les dangers de mauvaises utilisations des données personnelles en Haïti , le gouvernement ne devrait –il pas plutôt penser à définir un cadre légal sur l’utilisation du numérique, avant d’entamer des accords avec des institutions autour du numérique , en incluant les modalités de conclusions de contrat entre le gouvernement et des tiers , le budget que l’on peut allouer aux publicités gouvernementales sur Internet , la présence des institutions publiques sur le web et un code de conduite sur Internet reflétant les valeurs de la Nation des agences de l’administration publique.
Aujourd’hui, il est plus que nécessaire qu’Haïti définisse ses priorités par rapport au numérique en adaptant sa législation aux nouvelles réalités des NTICs et en restructurant ses institutions afin de pouvoir donner une réponse adéquate aux défis du monde digital. En attendant que ces mesures soient prises, plus d’un se demandent quand est-ce que le gouvernement rendra publique les clauses de son accord avec Facebook ?
[1][1] Raoul Junior Lorfils , En Haïti, les outils numériques pour sensibiliser sur le coronavirus, a l’adresse : https://www.loophaiti.com/content/letat-haitien-sallie-facebook-pour-mieux-sensibiliser-sur-le-virus , consulté le 19 mai 2020.
[2] https://www.washingtonpost.com/opinions/mark-zuckerberg-the-internet-needs-new-rules-lets-start-in-these-four-areas/2019/03/29/9e6f0504-521a-11e9-a3f7-78b7525a8d5f_story.html
[3] https://ayibopost.com/ou-est-passe-le-projet-e-gouvernance/
[4] Ibid
[5] https://www.rtl.fr/actu/international/affaire-snowden-revelations-demande-d-asile-ce-qu-il-faut-savoir-7798344558
[6] WDR 2016 , p 44
[7] https://www.digora.com/fr/blog/definition-iot-et-strategie-iot
[8] Raoul Junior Lorfils , En Haïti, les outils numériques pour sensibiliser sur le coronavirus, à l’adresse : https://www.loophaiti.com/content/letat-haitien-sallie-facebook-pour-mieux-sensibiliser-sur-le-virus , consulté le 19 mai 2020